Village Bagua : entre histoire, urbex et ghost city

Bonjour ami-e fidèl-e de ce blog, aujourd’hui je vais vous raconter la suite de nos aventures à Zhaoqing.
Je vous emmène donc à quelques km de Zhaoqing, dans la campagne, à la découverte de villages Bagua 八卦村.
Tout d’abord, c’est quoi un village Bagua ? Bagua 八卦 signifie littéralement « huit trigrammes », un diagramme octogonal qui représente les « huit figures de divination ». C’est un concept philosophique de la Chine ancienne, associé au taoïsme et au feng shui. Mais tandis que ces croyances sont en train de disparaître en Chine, il reste encore quelques traces dans l’architecture, notamment dans des anciens villages, comme ici, dans cette partie du Guangdong.
Le plan du village est caractérisé par une forme octogonale qui a donc une valeur symbolique. Une grande figure aux huit trigrammes est localisée sur une place, au centre du village. Le village est lui-même entouré par de l’eau.
Licha vue du ciel
Il est facile de repérer ces villages avec les photos satellites et Google Earth, les maisons sont toutes serrées les unes contre les autres. Une fois les coordonnées repérées, nous avons pris le bus pour nous rendre sur place. Nous avons eu le temps de visiter deux villages pendant la journée, Licha et Chenghu, tous deux étant à une distance de marche à pied l’un de l’autre.
Le fengshui 风水, qui signifie « vent et eau », est une doctrine de géomancie, une croyance au Qi, qui est une sorte « d’énergie » ou de « force de vie ». Perturber le Qi serait néfaste pour la santé et entraînerait la malchance. Ainsi, l’architecture doit favoriser son flux.
Nous arrivons donc à Licha 黎槎村. Vue du ciel, ce village a une forme de cercle, en fait un octogone, les maisons rayonnent à partir de la place centrale contenant le symbole à huit trigrammes. Mais depuis la terre ferme, on a l’impression de pénétrer dans un labyrinthe. Les maisons sont mitoyennes, les ruelles très étroites. Avec Little Miss Tiny nous déambulons dans cet enchevêtrement de ruelles. Ce cheminement à travers ce dédale de maisons est pour nous comme un parcourt initiatique, nous devons savoir nous perdre et nous réorienter, et ainsi trouver notre voie. Il s’agit de trouver la route qui nous conduit au centre.
Un bagua
Au centre, il ya donc une place avec une représentation du bagua peinte au sol. Le bagua, le symbole des huit trigrammes, représente les principes fondamentaux de la réalité dans le Taôisme. Il aurait été découvert par le souverain légendaire Fuxi, sur la carapace d’une tortue. Ces trigrammes sont formés par la combinaison de trois lignes soit continues (le principe mâle ou yang) soit discontinues (le principe femelle ou yin). L’alternance du Yang (trait plein) et du Yin (trait brisé) représente le changement perpétuel de la vie. C’est dans un livre de divination, le Yijing (Livre des Mutations), écrit il y a bien longtemps, à l’époque de la Chine antique, que le sage peut lire le monde et ses transformations. De la dualité complémentaire du Yin et du Yang naissent l’harmonie, la potentialité et l’humanité. Pour en savoir plus sur la spiritualité et le mysticisme du Tao, je vous renvoie à l’article sur le Taoïsme que j’avais rédigé.
Nous nous asseyons sur la place, au beau milieu du Yin et du Yang, heureux, tout parcouru des bonnes vibrations du Qi que nous sommes. Nous prenons des photos et Little Miss Tiny s’en va s’amuser avec un tambour afin d’alerter les alentours, habitants visibles et invisibles, de notre présence.
Le village, qui paraît abandonné, avec ses rues désertes, à des allures de villes fantômes. Les descendants des villageois doivent maintenant habiter dans des maisons plus modernes, peut être dans le village voisin, fait de construction en béton sans charme et traversé par une route poussiéreuse ; ou peut être sont-ils partis à la ville dans l’espoir de s’enrichir. Nous avons toutefois rencontré trois ou quatre grands-mères aux visages centenaires. Little Miss Tiny a essayé de parler avec l’une d’elle avant de se rendre compte qu’elle ne comprenait pas ce langage.
A Licha, nous sommes seuls au monde
Nous pouvons rentrer à l’intérieur de quelques unes de ces maisons, elles sont pour la plupart en briques grises, les fenêtres sont étroites, et l’obscurité règne à l’intérieur. Elles sont souvent construites sur le même modèle, ce qui amplifie encore la sensation de se perdre dans ce dédale. Certaines d’entre elles sont éventrées, ou le toit est effondré ; des plantes poussent à l’intérieur et la nature reprend ses droits. Parfois, il reste quelques ustensiles de cuisine, des céramiques ou des lits à baldaquin à moitié délabré.
Sous la pluie dans le labyrinthe
Entre les maisons, il y a souvent une grande salle ouverte avec un autel au fond. C’était la place réservée aux rituels et aux offrandes pour les ancêtres. J’observe parfois des débris de pétards rouges calcinés qui m’indiquent que des gens doivent venir ici de temps en temps pour effectuer quelques rites en hommage à la famille.
Dans la Chine ancienne, la famille était le noyau, l’unité de la vie chinoise. Ainsi, prendre soin de ses parents, la piété filiale, tout comme le culte des ancêtres, jouaient un rôle capital dans la pensée et dans les pratiques chinoises. Encore aujourd'hui, le respect envers sa famille est important dans le quotidien des chinois.
Il se met à pleuvoir fort et nous devons rester un moment dans l’une de ces salles. Une partie du toit est ouvert, ce qui permet, en plus d’apporter la lumière, à l’eau de pluie de remplir un petit bassin. Je me mets à imaginer la vie des habitants dans les siècles passées. Est-ce qu’ils utilisaient le bassin pour se laver, ou celui-ci avait-il uniquement une fonction symbolique.
Je remarque aussi la forme particulière des toits, avec de grandes anses telle une poignée géante pour soulever la maison. C’est une caractéristique de l’architecture du Guangdong.
La pluie cesse. Nous poursuivons notre pérégrination dans les méandres du labyrinthe, et je me demande si les villageois pouvaient se perdre eux-aussi. Par exemple, un habitant ivre de retour d’un repas bien arrosé chez un ami avait-il des difficultés à retrouver son logis ?
C’est sur ces élucubrations métaphysiques que je vous quitte et vous embrasse tel le symbole du yin et du yang.
Pour prolonger ce voyage dans le village, une petite video ici.

Commentaires

Anonyme a dit…
Quelle coïncidence !
Notre fils Camille est actuellement aussi en Chine car il est aussi tombé amoureux d'un chinoise : Hefang qui vit en France.
Ils sont allés voir sa famille à Qingyang.
Ils ont visité Xi'an, puis Chengdu et sont maintenant aux Monts Huang.
Des bisous à vous deux de Montpellier.
Jacques & Elena
Un jour nous pourrons peut être les rencontrer.