Sabaïdii ! Le jour où j’ai visité des pagodes, traversé le Mékong et rencontré plein de Français : Laos (2)

Vat Ho Pha Bang à Luang Prabang
Au Laos, il n’y a pas de train, et il faut compter 10 à 12 heures d’autocar pour faire 250 km en raison de la topologie du pays. Aussi, lors de mes pérambulations j’ai opté pour le bus de nuit pour gagner du temps tout en dormant, ou plutôt en somnolant : entre les virages, l’ascension d’un col, puis la descente en pente douce, il ne faut pas glisser de sa banquette. Des lits deux places, je peux partager l’intimité de mon compagnon de voyage ! Dans l’un de ces bus, je partageais la banquette avec un laotien, en partance pour la frontière avec la Chine, serré l’un contre l’autre, nous nous tenons chaud et pouvons nous retenir mutuellement pour ne pas tomber du lit.
Le bus, c’est aussi le moyen de rencontrer d’autres voyageurs. J’y ai rencontré une jeune française, en voyage en solo pour quelques mois dans l’Asie du Sud-Est, un couple de mexicain parcourant l’Asie pour un an, et un couple de français, habitant en Chine, et profitant eux-aussi des vacances du nouvel an chinois pour explorer la région. Le monsieur, un ingénieur, s’excusait presque car il participe à la construction d’une centrale nucléaire en Chine, mais je n’ai pas su ce que faisait la dame qui l’accompagnait. Il y avait aussi ce chinois qui s’inquiétait car le bus devait partir à 8h et il était déjà 8h05.
Je n’avais vraiment rien préparé avant de partir au Laos mais quand j’étais à Vientiane, j’avais lu de bons commentaires à propos de Luang Prabang. M’y voilà donc aujourd’hui !
La première difficulté était de trouver un endroit où passer la nuit. En effet, Luang Prabang est la ville la plus touristique du Laos, et en plus c’est les vacances du nouvel an chinois, et beaucoup d’habitants de l’empire du milieu ont eu cette bonne idée de venir ici, un peu plus au sud. Beaucoup de chinois du Yunnan. C’est vraiment drôle, je ne savais pas trop où j’étais à Luang Prabang. A la maison ? Laquelle ? En effet, à vue d’œil, à vue d’ouïe, sans doute plus de 40% des touristes étaient français, et plus de 40% étaient chinois. Si j’entendais parfois parler allemand ou coréen, c’était vraiment minoritaire, de partout m’entouraient des français et des chinois. En cherchant une chambre en guesthouse, d’une part, je ne savais plus trop si je devais demander les disponibilités en anglais, en français ou en chinois, et d’autre part, je me suis vite aperçue que des disponibilités, en fait, il n’y en avait pas. Il y avait bien une chambre, dans cet hôtel de luxe où je suis rentré par mégarde, mais j’ai finalement trouvé un lit à l’auberge en dortoir, c’est beaucoup moins dispendieux.
D’ailleurs, pour manger et me loger, je dois retirer un peu d’argent au distributeur de billet. 10 000 kips, la monnaie laotienne, valent à peine plus d’un euro. Ainsi, avec un million de kips en poche, j’ai l’impression d’être Greg, le millionnaire !
Si Luang Prabang est si touristique, c’est probablement mérité, la ville est considérée comme l’une des plus belles d’Asie, elle est d’ailleurs inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1995. Luang Prabang était en fait l’ancienne capitale du Laos. C’est quand le roi Fa Ngum fonda le Royaume du Million d'Éléphants (Lan Xang), en 1353, qu’il installa ici sa capitale. Avant cette date, la ville était déjà la capitale d’une principauté, sous un autre nom, peut être pour passer incognito.
Dans son histoire plus récente, Luang Prabang a été pillée en 1887 par les Pavillons Noirs (c’était une armée irrégulière de chinois, des espèces de bandits, en fait des anciens rebelles Taiping ayant été expulsé de la Chine) puis occupée par les troupes du Siam. En 1893, le royaume de Luang Prabang accepta le protectorat français. Plusieurs explorateurs français avouaient déjà leur coup de cœur pour cette cité royale à l’époque. Henri Mouhot est peut-être l’un des plus célèbres de ces méconnus, c’est lui qui a redécouvert les vestiges de l'architecture khmère à Angkor. Il était également naturaliste, il donna son nom à un coléoptère, le Mouhotia, mais il est mort à Luang Prabang en 1861, à cause du paludisme.
Je me suis un peu amusé à lire son carnet de route, disponible sur le site de la Bibliothèque nationale de France : sa rencontre avec le roi, et les « bons sauvages », avec son regard de l’époque 
Entre les maisons de bois traditionnelles et les maisons coloniales, le souvenir de la présence française reste visible dans l’architecture. Dans le centre ville, nombres d’entre elles ont été restaurées en guest houses ou restaurants, ce qui permet probablement de sauvegarder ce patrimoine. Des sous-titres en français sont aussi indiqués sur les bâtiments administratifs.
Le premier matin à Luang Prabang, je me lève très tôt afin d’assister au rituel des offrandes aux moines (Tak Bat). Ce rituel, pratiqué dans l’ensemble de l’Asie du Sud Est est ici devenu une attraction touristique, aussi en raison du grand nombre de moines installés dans la ville. A partir de 5h30 du matin, le défilé de moines en robe safran commence. A la queue leu leu, ils demandent l’aumône, car, consacré à leur tâche spirituelle, ils ne peuvent gagner ou dépenser de l’argent. Aussi ici, ils ne sont pas malheureux : tandis que les locaux tout comme les touristes leur donnent du riz ou d’autres victuailles, ils en ont beaucoup trop, ils doivent se délester en chemin de quelques poignées de riz, cela afin de pouvoir continuer le rituel !
Je suis ensuite allé au marché, après le levé du soleil qui illumine les étales de sa belle lumière du matin. J’aime les marchés, c’est animé et coloré, vivant et bariolé. Vendeurs et acheteurs se rassemblent, les étales proposent divers denrées, beaucoup de légumes, des plantes, des feuilles pour cuisiner mais aussi quelques expositions de viandes et abats, des insectes et grenouilles. Certains font un barbecue, du poulet ou du poisson, mais pour le petit déjeuner, ça ne me fait pas trop envie. Je vais donc ensuite à la boulangerie que j’avais repéré préalablement. Le propriétaire est le même que celui de la boulangerie de Vientiane et je peux commander avec délectation une baguette fraîche, du beurre, de la confiture et un café noir.

Je passe l’essentiel de la journée à me balader pour découvrir la ville et ses nombreux temples. Si de nombreux visiteurs explorent, avec raison, les temples les plus célèbre, d’autres, plus en retraits de la route principal, conservent une réelle quiétude. Les temples trônent dans de beaux jardins fleuris et ensoleillés, le soleil faisant étinceler les colonnes dorées et les toits à plusieurs niveaux superposés. Les magnifiques fleurs violettes sont des bougainvilliers.
Vat Sene Souk Haram
Le Vat Xieng Thong, le « monastère de la ville doré » est considéré comme l’un des plus fameux, il date de 1560, édifié par le roi Sethathirath. Le temple a été érigé à la mémoire de Thao Chanthaphanith, un commerçant de Vientiane qui aurait été élu roi de Luang Prabang, avant l’époque de Fa Ngum. Sur les murs du temple, des bas-reliefs illustrent cette légende. D’autres légendes sont également représentées sur d’autres murs. Des mosaïques de verre nous racontent des histoires. Sur un mur, il y a un magnifique arbre, l’arbre de la Boddhi, sous lequel le Bouddha serait parvenu à l’illumination. Un autre bâtiment abrite un bouddha couché daté de 1569. C’est un haut lieu saint, notamment au moment du nouvel an lao.
Le Vat Maha Visounarath, construit sous le roi Visounarath en 1512 a été en partie détruit par les Pavillons Noirs en 1887, puis restaurés. Le bâtiment sert aujourd’hui de musée abritant des œuvres d’art religieuses, des anciens bouddhas.
Le Vat Sene Souk Haram est le « temple aux 100 000 trésors » a été construit en 1718.
Le Vat Mai (« nouveau monastère ») date lui de 1796. Avec ses motifs dorés et son toit à cinq pans, il est lui aussi particulièrement beau. Sur ces murs sont représentés des scènes de la vie quotidienne, mais aussi une légende d’une réincarnation du Bouddha.
A côté du palais royal, maintenant reconverti en musée, le Vat Ho Pha Bang est vraiment grandiose, tout illuminé de soleil, sur son piédestal. C’est la plus récente des pagodes, car construite au XXe siècle pour abriter un bouddha sacré.
Des pagodes et leurs décors murales
Au milieu de la ville, il y a le Mont Phousi et j’ai fait son ascension plusieurs fois, à différents moments de la journée, afin de profiter du paysage avec différents éclairages. Au sommet, il y a évidemment un temple, mais également une vue sur Luang Prabang et les montagnes environnantes.
Le soir à Luang Prabang, c’est le marché de nuit, plutôt sympa avec ses objets artisanaux, ses peintures, ses bijoux, ses sacs, étoffes et vêtements. La petite française qui m’accompagne regarde tous ces étalages avec concupiscence, elle veut ramener des cadeaux mais elle n’a plus de place dans son sac, qu’elle a déjà d’ailleurs du mal à trimbaler, et son voyage n’est pas encore terminé.
Disséminés au milieu des étales, il y a quelques vendeurs d’alcool fort : à l’intérieur des bouteilles, marinent des serpents, des scorpions ou des lézards, de préférence venimeux. Les croyances populaires disent que c’est bon pour la santé, ça rend fort. Mais les seules personnes que j’ai vu acheter une bouteille étaient un couple de russes.
Le marché de nuit de Luang Prabang
Le lendemain, je me baladais au bord du Mékong, puis je me suis approché d’un embarcadère. Il n’y a pas de pont, il faut prendre le bateau pour faire la traversée. J’attends l’arrivée du bac au milieu de la foule qui commence à se rassembler. Une fois le bateau à quai, les motos vrombissent, tout le monde descend et c’est à notre tour d’embarquer. Le bac est maintenant encombré de motos, de voitures (deux en fait, vue la place) et quelques passagers à pied. Beaucoup de jeunes gens, la population du Laos est très jeune : un laotien sur trois a moins de quinze ans. La traversée ne prend que quelques minutes et me voilà sur l’autre berge.
Traversée du Mékong en bac
Sur cette rive, c’est vraiment la campagne. Les maisons du village sont en bois, en bambou et parfois il y a quelques moellons ou blocs de béton. Je traverse le village et m’éloigne un peu dans les champs. Je croise des troupeaux de vaches, et des groupes d’enfants qui semblent tous se diriger vers le même endroit. Je les suis et je parviens à une école. Je suis accueilli par des sabaïdiii de tous les côtés, et toujours de grands sourires ! Les laotiens ne sont vraiment pas avar en « bonjour », en tout cas beaucoup moins qu’en Chine !
Sur la route poussiéreuse, je rencontre de temps à autre des poules et des bœufs, l’un d’eux jouant à cache-cache dans les fourrés. Et au détour d’un virage, il y a ce drôle de véhicule, une planche sur quatre roues, le transport en commun local.
Le village de l'autre côté de Luang Prabang
Le Mékong, c’est la « Mère de tous les fleuves » en langage thaï et lao (Mae Khong). Le Mékong fait 4350 km de long, dans la mythologie hindoue, le fleuve fut créé par les ondulations des nâgas, des serpents génie des eaux. Il prend sa source en Chine, dans la province de Qinghai à 5224 mètres d’altitude, puis poursuit son cours au Yunnan, souvenez-vous, j’avais croisé sa route en 2013, près d’un village tibétain. Il descend ensuite vers l’Asie du Sud-Est à la croisée entre tous les pays de la région, de quoi entraîner des conflits économiques et géopolitique tout le long de son cours. Le Mékong présente en effet des enjeux importants pour la pêche, l’irrigation et la production hydroélectrique. Pour lui, la vie ne semble plus un long fleuve tranquille !
Un autre jour, je suis allé à la grotte Tham Pak Ou. La grotte, en fait il y en a deux, elles sont accessibles en bateau, à 25 km en amont de Luang Prabang. Pour les rejoindre, je me joins à des petits groupes au bord du fleuve, des français, des chinois et quelques anglophones, et nous embarquons par groupe de six dans des petits mais longs bateaux à moteurs : des pirogues. Le pilote surveille les rochers et les courants, tout en jetant régulièrement des petits coups d'œil à son moteur à l'arrière. Le long du parcours, nous croisons quelques pêcheurs, puis, après plus d’une heure de trajet, nous débarquons pour visiter les grottes.
Ces grottes renferment près de 5000 statuettes de Bouddha, de styles différents, de tailles variables, dans différentes positions. Les grottes sont sacrées et ce sont des fidèles qui les ont déposées là, au fil du temps. Avant le bouddhisme déjà, les habitants pensaient que ces grottes étaient habitées par les Phi, les esprits de la rivière. Après avoir exploré les grottes, je peux contempler le point de vue sur le Mékong, les montagnes en face, exposées au soleil. Puis je prends le trajet du retour.
En route vers les grottes Pak Ou
Disséminé dans Luang Prabang, il y a des restaurants partout. Je peux choisir de manger laotien, ou des plats souvent inspirés des cuisines vietnamiennes ou thaïlandaises voisines. Je me suis souvent laissé tenter par ces plats parfumés à la menthe et au citron. Il y a aussi des restaurants chinois et occidentaux. Plusieurs restaurants français que je n’ai pas testés mais j’ai pu observer les mœurs : pendant que les français commandent chacun leur assiette, les familles de chinois commandent tous les plats du menu, mettent tout ça au milieu de la table et se partagent l’ensemble. J’ai rencontré essentiellement des français et des chinois à Luang Prabang, je ne sais pas si les russes se sont enivrer de leur alcool de serpent où s’ils attendent de siroter ça tranquillement à la maison.
Mes pauses gustatives, toujours accompagnées du "sticky rice" dans son petit panier
Moi j’ai opté pour la bière nationale pour me désaltérer, la LaoBeer, sympa pour accompagner des nems ou un curry. Il y a aussi le laolao, mais ça, je vous en parlerai lors du prochain article !
D’ici là, vous pouvez cliquer sur les images pour les agrandir. Si vous cliquez ici, vous aurez la possibilité de vous éblouir, ou pas, de l’ensemble de mes photos du Laos. Mais si souhaitez conserver un peu de suspens, il faudra attendre le prochain épisode pour la suite des aventures au Laos.
A bientôt.
Encore des temples

Commentaires

le voyageur hypothetique a dit…
Julien always leaves a note to say where he has gone.

The hypothetical Traveler
Sabrina a dit…
L'éblouissement devant les photos a eut lieu avec une envie irrépressible de mieux aller découvrir ce pays !