Un autre Tibet : Gansu (5)

Fengchenpupu m’ayant apprivoisé, nous partons tous les deux, de bonne heure et de bonne humeur, afin de prendre le bus. Le jour d’avant, nous avions trouvé une marchande de gâteaux chez qui nous avons pu nous ravitailler pour le petit déjeuner. J’adore la nourriture chinoise, sauf pour le petit-déjeuner où je ne suis pas fan des dumpling et soupe de nouilles. J’aime manger sucré. Mais en Chine, je dois oublier viennoiseries et autres brioches, alors je suis vraiment content de trouver quelques douceurs afin de gâter ma gourmandise.
Nous nous régalons de ces pâtisseries grasses et sucrés en attendant le bus. Puis, muni de notre ticket, nous prenons place à l’intérieur d’un petit autocar, elle à la place numéro 1, moi la place numéro 2, juste derrière le chauffeur.
Pendant quatre heures de temps, l’autobus sillonne à travers les collines sur la route de campagne verte. A gauche il y a des prairies, et à droite aussi. Avec le ciel bleu et les collines verdoyantes, j’ai un peu l’impression de plonger dans le fond d’écran de windows xp. Mais en plus, il y a des yaks ou des moutons. Quand ils gambadent tous ensemble sur la route, le voyage pend une direction tout à fait champêtre. En fait, c’était tellement beau, qu’en traversant un village, j’avais envie de descendre du bus à l’improviste et d’y passer la nuit. Mais je me suis laissé emporter par le trajet.
Le bus s’arrête à Xiahe, ce n’est pas vraiment une surprise, c’est là où nous voulions aller. Xiahe (夏河), c’est dans le Gansu, en fait à la frontière avec le Qinghai, dans l’ancienne province tibétaine de l’Amdo. La ville est située à une altitude d’environ 3000 mètres. Ça ressemble à Tongren, il y a des tibétains, un monastère célèbre, mais aussi plus de touristes.
C’est le moment de vous raconter un peu l’histoire du lieu. Le monastère de Labrang, c’est le plus grand monastère tibétain, en dehors du Tibet actuel. Il a été fondé en 1709, par l’école bouddhique des Gelupa, celle des bonnets jaunes. Il se situait à l’intersection des cultures tibétaines, au Sud, et mongoles, au Nord. Au temps de sa prospérité, il y avait 4000 moines qui vivaient là. Un immense domaine nomadique et agricole s'étendait autour du monastère. Aujourd’hui, entre 500 et 600 moines vivent ici.
Le monastère a été attaqué par un seigneur de la guerre et des troupes Hui musulmanes en 1919, puis en 1929 (rébellions goloks). Plus tard, le monastère a été fermé par le gouvernement chinois en 1958, il a souffert de la révolution culturelle, puis rouvert en 1980. Il est redevenu depuis un lieu important pour des cérémonies bouddhiques, un lieu de pèlerinage, mais aussi de tourisme. Xiahe a par ailleurs été le lieu de manifestations, durant les troubles du Tibet de 2008, au cours desquelles 200 moines auraient été arrêté, mais sans mauvais traitement, selon la version officielle.
Aujourd’hui, la paix semble revenue. A notre arrivée, avant même de trouver l’auberge pour poser nos sacs, nos estomacs nous ont signalé qu’il étant temps d’aller manger des nouilles.
Après avoir déposé nos sacs à l’auberge, nous arpentons les rues du monastère. Le monastère est une ville dans la ville. Nous déambulons dans le dédale de ruelles, entourés de part et d’autres par de grands murs, en terre ou en briques, peints en blanc, à la chaux. De ci, de là, les robes rouges des moines, leurs bonnets jaunes, viennent colorés le décor. Et moi, ça me fait penser à tintin au Tibet.
Nous visitons les temples, des petits, des grands, tout aussi richement décorés et colorés que ceux de Tongren. Partout, il y a des bouddhas géants ou des mini-bouddha, des peintures, des tapisseries, des écharpes de soies blanches. Par endroit, les parquets en bois sont lustrés à cause des prosternations des fidèles. Les temples sont parfumés aux bougies au beurre de yak, à l’encens, et il y a ces cheminées où ils font brûler des pins, ou je sais quel genévrier, dont la fumée est plutôt désagréable. Pendant ce temps, les sculptures au beurre de yak se prélassent sur les autels.
Le monastère est également un lieu de formation pour étudier la médecine tibétaine, la théologie, l'ésotérisme bouddhique, le droit.
Au son des cornes ou des conques, c’est l’heure du rassemblement. A l’extérieur d’un temple, des dizaines, des centaines de bottes attendent leurs propriétaires. Dans le grand temple, des centaines de moines sont réunis pour la prière, pour psalmodier, pour discuter. Après un moment, à la sorti du temple, c’est un festival de rouge, de jaune ; les moines sortent par une petite porte, puis ils récupèrent leurs bottes, je ne sais pas s’ils les choisissent au hasard, ou s’ils les reconnaissent, elles semblent toutes identiques. Enfin, ils retournent à leurs occupations respectives.
Pendant ce temps là, les tibétains dansent la valse, ils tournoient, ils virevoltent, ils contournent un stuppa, là bas, ils détournent, ils encerclent un moulin à prière.
je tourne tu tournes il tourne nous tournons vous tournez ils tournent
Il y a un chemin qui fait tout le tour du monastère, cela s’appelle une kora, c’est-à-dire une circumambulation autour d'un lieu géographique. Une promenade de quelques kilomètres. Le chemin est très emprunté par des pèlerins, ou des fidèles de la région. Nous nous sommes vite aperçut que nous l’empruntions dans le mauvais sens, mais pour corriger cette situation embarrassante, nous virons, nous girons, nous tournons nous aussi.
Il y a des moulins à prières tout le long du chemin. J’ai essayé de marcher un moment en faisant tourner tous les moulins au passage mais après un certain temps, j’avais la tête qui tourne elle aussi. Je détourne mon regard. Là bas, adossées sur un flanc de montagne, il y a de petites maisons dans lesquelles les moines peuvent s’isoler pour méditer.
Dans un village, nous sympathisons avec des cochons en liberté, puis nous croisons un bouc. Quand je m’approche, le voilà qui me poursuit ; le gredin, il voulait m’encorner.
Au détour d'une ruelle, des moines jouent au foot. En fait, je crois que j'ai plus peur du ballon que du bouc.
Nous sommes montés sur la colline, de là haut nous contemplons le panorama du monastère, enchâssé dans ses montagnes. Couchés dans l’herbe, nous piquons du nez à nez avec les fourmis, c’est l’heure de la sieste.
Monastère de Labrang, vu du haut de la colline

Village proche du monastère
Le soir venu, l’heure du souper approchant, nous redescendons vers la ville. Nous croisons encore des tibétains. Avec leurs manches trop longues, ils me font penser à Marty junior, dans retour vers le futur.
Qu'est-ce qu'on mange ?
La nuit tombée, nous sortons pour contempler les étoiles, mais les nuages nous ont empêchés de profiter de ce moment. Nous devons mettre des manches longues, nous aussi, mais moins longues que celles des tibétains. C’est la première fois au cours de ce voyage, en raison de l’altitude, la nuit est fraîche. D'ailleurs, à l'heure où j'écris ces lignes (mi-septembre), on m'a dit qu'il a neigé à Xiahe.
Le lendemain, nous retournons de bonne heure au monastère, à l’heure du réveil de la force des moines. Devant la porte d’un temple nous réveillons l’un d’eux par mégarde. Heureusement, il semble de bonne humeur et nous discutons un moment avec lui. Enfin moi j’avais la traduction, car le bonhomme parle tibétain et chinois, mais pas d’anglais. Il a mon âge, mais depuis une quinzaine d’année, il dort ici, devant son temple, dehors, été comme hiver.
Il parle, et de temps un autre, fait une pause pour faire des exercices de voix, un son guttural sort de sa bouche, un entraînement au chant.
Il voulait un souvenir de nous, alors il nous a portraituré, avec son téléphone portable. Puis nous sommes retournés sur la colline contempler le paysage. Encore un moment de sérénité, de rêverie, de poésie.
Pourrons-nous atteindre la délivrance finale, le nirvana ? Saviez-vous qu’il existe un enfer dans le bouddhisme ? Il ne s’agit toutefois pas d’une punition éternelle. Mais si j’ai bien compris, il s’agit plutôt d’un lieu de passage, où les âmes errent entre la mort et la nouvelle naissance. Yama, c’est le dieu de la mort, que l’on rencontre aussi dans l’hindouisme. Un peu comme Hadès, il est le gardien de l’enfer. Il est aussi un juge. Ainsi, les âmes qui ont commises de mauvaises actions dans la vie précédente sont jugées. Les enfers sont la conséquence de nos actes. La punition peut être terrible pour ceux qui ont infligés des tourments physiques ou moraux. En fonction de leurs fautes, ces damnés sont fendus et sciés, battus, broyés, bouillis, plongés dans une rivière de feu, ou subissent d’autres sortes de supplices. Mais vous savez, la réalité est une illusion. Les enfers ne sont ni plus réels ni plus stables que le reste du monde.
Ces écorchés viendraient-ils de la maison Bolton ?
Avertissement : sur les murs des temples : exemples de punitions aux enfers
Des couleurs encore. Pour les curieux, mes photos du Gansu sont ici.
A suivre.

Commentaires

Et maintenant elle est où ta nouvelle amie ?
En tout cas encore une belle page, des jours de train, des voyages pas comme les autres. Bravo !
Maintenant, quels seront les prochains tours et détours ? La mongolie ?

Bonjour d'automne depuis la Savoie.