Des jours Sapa-thiques : Vietnam (3)

Je suis allé faire une escapade à Sapa, une région touristique dans le nord du Vietnam (voir ici pour la carte). Depuis Hanoi, j’ai pris le train de nuit, avec couchettes, jusqu’à Lao Cai, à la frontière avec le Yunnan en Chine. En 1979, cette ville avait été occupée par l’armée chinoise lors de la guerre sino-vietnamienne et la frontière est ouverte seulement depuis 1993, quand les relations se sont apaisées. Ensuite, je dois prendre un bus qui m’emmène jusqu’à Sapa par des routes en lacet dans la montagne. Je dois négocier dur pour prendre ce bus, le vendeur, ou arnaqueur demandait une somme exorbitante de 500 000 dongs. J’ai bien essayé de lui parler en chinois pour l’embrouiller, lui dire que je n’avais pas une telle somme sous la main, que c’était un peu ridicule comme tarif, j’ai dû finalement prendre un autre bus, et renégocier pour 50 000 dongs.
Sapa est située à 1500 mètres d’altitude, au tournant du XXe siècle, c’était une station coloniale, un lieu de villégiature, après avoir été un poste militaire fondé par les autorités coloniales française.
C’est toujours aujourd’hui un point d’attraction touristique, notamment grâce au cadre montagnard environnant et aux cultures de riz en terrasse.
L’autre intérêt de la région, c’est la présence de nombreuses minorités ethniques, mais autour de Sapa, essentiellement des H’mông et des Dao. Et c’est un peu les deux faces du tourisme qui sont visibles ici, avec d’un côté le bouleversement du mode de vie des populations locales, mais d’un autre côté l’amélioration de leurs conditions de vie. Les habitants ont conservés leurs tenues traditionnelles, et si à Sapa les constructions sont en béton, les maisons des villages alentours sont construites en partie en bois et en bambou.
A Sapa, toutes les petites bonne-femmes me demandent « buy something » ou me proposent de m’emmener pour un trek. Mais en même temps, je ne peux pas vraiment dire que c’est du harcèlement, elles sont tellement rigolotes, et c’est leur moyen de survie, elles vendent des bijoux, des sacs, des broderies et vêtement qu’elles font elles-mêmes, inspirés des motifs traditionnels, ou bien elles servent de guides pour des randonnées ou visiter des villages. D’ailleurs, j’ai pris une guide pour une journée d’escapade dans plusieurs villages, puis une autre journée, je suis partie en randonnée tout seul, dans la direction opposée. Et les deux jours étaient sapa-thiques au bout du compte, de plus, j’étais chanceux, il a fait très beau.
Il faut partir pendant plusieurs jours de marche, pour aller dans des villages plus éloignés et partir à la rencontre d’autres ethnies, mais malheureusement, je n’avais pas le temps de faire cette expédition au cours de ce voyage. Non loin d’ici, il y a également le Fansipan, une montagne qui culmine à 3 143 mètre, la plus haute du Vietnam. Mais il faut trois jours de marche aller-retour depuis Sapa pour faire son ascension.
Il y a 54 ethnies différentes au Vietnam, présentant une grande diversité linguistique et vestimentaire. Dans la région de Sapa, les H’mông sont l’ethnie majoritaire. Les H’mông sont originaires de régions montagneuses de la Chine, et c’est au XIXe siècle qu’ils ont commencé à s’installer dans le nord du Vietnam, mais aussi au Laos. Cela à cause de la pression démographique des chinois, mais aussi de la révolte des Taiping (1850-1872) et de problèmes de famine qui troubla leur région d’origine, les poussant à migrer vers le sud. Ils cultivent le riz, le maïs et le chanvre, et pendant l’hiver se consacrent à l’artisanat. Il y a aussi l’élevage, j’ai rencontré des cochons et des poules qui se baladent dans les villages. Il existe en réalité plusieurs H’mông, qui se distinguent les uns des autres par leurs costumes. Leur vie sociale est régie par un système de clans et ils utilisent toujours la médecine chinoise pour se soigner. L’école est gratuite jusqu’à dix, puis elle devient payante donc difficilement accessible pour ces populations qui sont peu aidées par le gouvernement vietnamien. A 18 ans, les filles doivent penser à se marier. Leurs vêtements sont en chanvre teints à l’indigo (bleu noir) et brodés.
Au début du XXe siècle, les français les ont encouragés à produire de l’opium, notamment au Laos. Mais il y avait des problèmes de taxes et de corruption et les H’mông se sont soulevés contre le colonisateur, ce qui a amené les Français à changer leur politique vis-à-vis de cette ethnie. Plus tard, certains H’môngs ont combattu avec les Français pendant la guerre d'Indochine, ce qui est comparable avec les Harkis en Algérie. Aujourd’hui, une population H’mông vit loin d'ici, en Guyane, tandis qu’il y a encore une forme de répression envers eux au Laos.
Il existe donc une mosaïque ethnique entre ces frontières vietnamiennes, laotiennes et chinoises. Chacune avec leur tradition propre. Autour de Sapa, à côté des H’mông, il y aussi des Dao rouges, des Tay, des Thai, des Nung. Les Dao se sont installé au Vietnam il y a deux à trois siècles. Les femmes portent une espèce de coiffe rouge. Ils pratiquent une religion avec des rituels taoistes et chamaniques.
Les populations du nord du Vietnam se sont donc installées relativement récemment. Mais on sait que la région a connu d’importants mouvements migratoires au cours de l’histoire, elle était habitée dans des temps plus anciens. Mais la mémoire locale a perdu le souvenir de ceux qui était là il y a 200 ans. Des pierres ont été retrouvées au milieu des rizières, avec des inscriptions sinisantes ou une écriture qui reste, encore aujourd’hui, non déchiffrée et qui intéresse les archéologues.
Le jour suivant, je suis parti tout seul sur les sentiers, il n’y a pas besoin d’aller très loin pour s’éloigner du cadre touristique de Sapa. J’étais tout seul sur le sentier et les paysages sont magnifiques. J'ai traversé des villages, poursuivi des cochons et rencontré des enfants qui s'amusent à rouler un pneu de mobylette. A cette époque de l’année, les plantations de riz n’ont pas encore commencé, le paysage doit être plus verdoyant un peu plus tard dans l’année. Il n’y a aucune indication sur les sentiers, j’ai donc pris le même chemin en sens inverse pour le retour.
J'ai passé du temps à flâner au marché de Sapa où les locaux viennent acheter, vendre, leurs légumes, fruits ou des poulets.
A bientôt pour d'autres aventures ailleurs au Vietnam. En attendant, voici quelques photos de ce voyage.

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