Le double jeu de Macao

Une ruelle de Macao
D’entrée de jeu, je vous emmène aujourd’hui dans une nouvelle ville, pas tout à fait un nouveau pays. C’était le monde d’avant la catastrophe sanitaire, le monde où l’on pouvait se déplacer et voyager où l’on voulait. Pour y aller depuis Shenzhen, nous devons tout d’abord prendre un ferry pour traverser le delta de la rivière des perles et arriver de l’autre côté à Zhuhai où nous avons passé la nuit.
Tout comme Shenzhen, Zhuhai est une ville nouvelle, une zone économique spéciale créée en 1980. Nous y avons emprunté la route des amoureux, une promenade bordée de palmier qui longe une mer brune et boueuse ; visiter un parc ; pris un autobus électrique ; manger un repas décevant ; dormis dans un hôtel peu cher.
Mais Zhuhai était seulement pour nous un tremplin pour aller un peu plus loin, pour aller voir ailleurs, de l’autre côté de la frontière.
Le lendemain, nous nous rendons à Macao en traversant la frontière à pied à Gongbei. Pour le moment, il y a bien une frontière entre Macao et la Chine, elle sépare des paysages culturels, politiques et juridiques bien différents. Je n’ai pas besoin de visa pour aller à Macao alors que Little Miss Tiny doit présenter un permis de visite assez laborieux à avoir avec la bureaucratie chinoise et qu’elle doit demander plusieurs semaines à l’avance.

Entrer dans le jeu

Nous arrivons donc à Macao par le nord de la péninsule de Macao ou s’élèvent de grands immeubles d’habitation. Notre première impression des contrastes avec la Chine est donc architecturale. Les immeubles sont beaucoup plus serrés les uns contre les autres, comme un bataillon de harengs debout dressés vers le ciel. Les routes ou ruelles sont donc beaucoup plus étroites en comparaison de la Chine. Des scooters débouchent de tous les coins des ruelles, leur design, plutôt similaire à leur cousin européen, est aussi bien différent de ceux que l’on trouve de l’autre côté en Chine.
L'arrivée à Macao
Macao a été colonisée et administrée par le Portugal pendant plus de 400 ans, à partir de 1557, et depuis 1999, c’est une région administrative spéciale de la Chine, dans le cadre du fameux dispositif « un pays, deux systèmes » tout comme Hong Kong qui est juste en face.
Mais Macao a une personnalité bien à elle, entre douceur et extravagance, avec un joli mélange d’Europe méridionale et d’Asie orientale. Avec Little Miss Tiny, nous nous enfonçons donc les ruelles toute serrées. Le nom des rues est indiqué en cantonnais, avec des sous-titres en portugais, les deux langues officielles de Macao, même si peu de personnes parlent encore le portugais maintenant. En levant un peu la tête, je vois que beaucoup des fenêtres des appartements ont des barreaux aux fenêtres, ce qui me fait penser à des prisons à domicile. De partout, l’esthétique de ces barreaux est agrémenté de système de ventilation peu décoratif.
A Macao, il y a aussi des temples
En continuant notre descente vers le sud, nous arrivons aux quartiers à l’architecture coloniale. Les rues pavées imitent les villes portugaises tandis que des églises anciennes se dressent fièrement de-ci de-là.
Nous montons des escaliers et nous voilà maintenant devant les ruines de Sao Paulo, nichées sur une petite colline, c’est l’un des symboles de Macao. Cette église a été construite à partir de 1602 mais elle a été ravagée par un feu en 1835. Seule la façade resta debout, et c’est celle-là qui se présente maintenant devant nous. Je contemple donc cette structure, il y a des sculptures de saints, un voilier portugais, des dragons chinois et Little Miss Tiny me fait remarquer la présence d’un squelette couché sur le flanc.

Savoir tirer son épingle du jeu

Autrefois, en plus d'être un comptoir commercial, Macao a également été une plaque tournante pour envoyer des missionnaires catholiques vers la Chine et le Japon. Si les missionnaires ont échoué à convertir les chinois au catholicisme, ils se sont pris au jeu, ils ont en effet joué un rôle important dans l'échange culturel, scientifique et technique entre la Chine et l'Occident à l’époque. Bref ils ont réussi à tirer leur épingle du jeu.
Nous avons visité d’autres églises qui ne sont pas à l’état de ruines. En montant un escalier, la façade jaune pastel de l’église Saint Joseph nous apparaît, puis c’est une décoration d’inspiration baroque qui se dévoile à nous lorsque nous pénétrons à l’intérieur. Un peu plus loin, il y a l’Eglise Saint Laurent, et l’église Saint Dominique qui nous donnent également l’impression de voyager en Europe.
Nous flânons encore pour arriver au cœur de la vieille ville, sur la grande place, Largo do Senado, recouverte de petits pavés noirs et blancs en forme de vague. C’est comme si c’est toute la place qui ondulait. Nous voilà maintenant tout entourés de bâtiment à l’architecture portugaise, la cathédrale, des bâtiments administratifs aux façades jaunes, oranges, vertes ou même roses. Comme nous habitons à Shenzhen, nous trouvons l’environnement et l’atmosphère tout à fait dépaysant.
Nous passons à côté du théâtre Dom Pedro V, à la façade verdâtre avec des colonnes sur le devant, mais c’est dans une autre salle de spectacle que nous entrons. Nous grimpons les escaliers et, depuis le balcon, nous écoutons un long moment deux musiciens qui jouent du violon juste pour les fauteuils et pour nous.


Quartiers portugais de Macao

Pris à notre propre jeu

Nous gravissons une petite colline au sommet de laquelle il y a un fort. C’est le Fortaleza do Monte, entourée de solides murs de pierre, il date du début des années 1620 et été construit pour se protéger des pirates. C’est aujourd’hui un parc avec des arbres, un endroit relativement calme car il n’y a pas de circulation. Nous discutons tout en appréciant la vue pendant que les touristes s’amusent avec les canons qui pointent vers le large, c’est peut-être l’un de ces canons qui a permis de repousser une flotte hollandaise en 1622.
Nous nous prenons nous-mêmes au jeu des touristes qui se photographient, et nous profitons de la vue. Le sommet du fort nous offre un beau panorama sur l’ancien et le nouveau Macao, le contraste entre deux mondes qui se côtoient. C’est ça le double jeu de Macao, le syncrétisme chinois et portugais, entre l’authenticité et l’illusion, le Las Vegas asiatique avec ses casinos et ses complexes hôteliers, et la Lisbonne orientale. Nous observons le mélange de touristes qui se promènent autour des ruines de pierres de Sao Paulo que nous surplombons, tandis qu’au loin s’élèvent des immeubles de fer, de verres et de bétons.
Macao vue depuis le Fortaleza do Monte
L’un des canons pointe maintenant vers le sud, vers le Grand Lisboa, le gratte-ciel le plus célèbre de Macao, le plus insolite, il ressemble à une feuille de lotus. Construit de 2006 à 2008, il comprend un hôtel et un casino évidemment. Mais tout autour de ce gratte-ciel, se sont des barres d’immeubles verticales résidentiels et j’observe le contraste entre le luxe de l’architecture contemporaine et des immeubles, de taille plus modeste, tous serrés les uns contre les autres qui paraissent beaucoup plus vétustes. Macao est bien moins peuplé que Hong Kong, mais comme c’est tout petit, c’est la ville avec la densité de population la plus élevée au monde.
Sao Paulo depuis le Fortaleza do Monte
Une ruelle toute chinoise
Nous poursuivons nos déambulations pour arriver à la maison du mandarin, une belle bâtisse élégante construite en 1869 dans le style chinois. C’était la résidence de Zheng Guanying, homme de lettre, nationaliste et réformiste, qui voulait lutter contre la domination de l’Occident à l’époque.
Nous avons aimé explorer cette demeure à la fois pour le calme, la sérénité du lieu, et le voyage dans le temps, l’intérêt historique. La maison est en effet un havre de paix au milieu de Macao. Une porte ronde, une porte lune, nous invite à franchir le passage vers une cours. J’aime beaucoup l’esthétique de ces portes rondes chinoises qui me rappellent aussi la porte d’une maison de Hobbit. Le rond renvoie au cycle, à l’infini, mais aussi au lien, à l’union, il inspire le calme et la sérénité. « La vie est probablement ronde » ont écrit Van-Gogh et Bachelard.
Mandarin House
Nous circulons de pièces en pièces, d’espace en espace. Les pièces meublées nous transportent dans la Chine du 19e siècle tandis que les volets aux fenêtres nous rappellent l’architecture européenne. Nous nous amusons, plein de malices, à nous prendre en photos dans les différents décors que nous proposent la maison, de la chambre au salon, puis nous sortons à l’extérieur, afin de continuer à explorer cette ville pleine de surprise.

Jouer le jeu

La nuit arrive déjà en même temps que nos pas nous amènent au sud de la péninsule. Nous changeons d’ambiance car nous voilà maintenant dans de grandes avenues commerciales illuminées par les jeux de lumière des casinos. De partout, des boutiques de luxe vendent bijoux et vêtement de grandes marques et attirent les touristes les plus fortunés. Avec cette frénésie du shopping, c’est le côté clinquant, tapageur et bling bling de Macao qui défile sous nos yeux.
Les jeux sont faits et rien ne vas plus. Macao est la seule ville de Chine où les jeux d’argent sont autorisés. Nous entrons ainsi dans l’un de ces casinos à la réputation sulfureuse. Little Miss Tiny est un peu effrayée ou intimidée par l’ambiance, peut-être à cause de la démesure de la pièce ou bien du visage impassible et de la mine glaciale des croupiers. Nous nous rapprochons néanmoins d’une table de jeu, d’un pas nonchalant. Les joueurs ont tous l’air de savoir quoi faire, mais les règles sont pour nous bien mystérieuses et énigmatiques. Je me dis qu’elles sont probablement toutes simples mais je suis en réalité plus intrigué par un ingénieux système de lancé de dés automatique et placé sous cloche.
Enfin, nous sortons du casino, sans addiction d’aucune sorte et sans avoir déboursé un centime, et nous nous dirigeons vers le nord pour refaire le chemin inverse, en direction de la sortie de la ville et du retour vers la Chine continentale. En chemin, nous contemplons une dernière fois les ruelles de la vieille ville portugaise illuminée dans la nuit, puis nous disons à Macao, Tchao !
Quartier historique portugais de Macao, la nuit
Macao est composé de la péninsule de Macao et de deux îles, Taipa et Coloane, mais avec les terres gagnées sur la mer, les trois composantes tendent à n’en former plus qu’une. C’était un jour d’avril 2019 que nous avons visité Macao, et nous n’avons eu le temps de visiter que la péninsule nord. Une autre fois, peut être, nous vous emmènerons un peu plus au sud voir ce qu’il en est.
Carte de Macao montrant les gains de territoires sur la mer entre 1986 et 2011.

Commentaires

Nadette a dit…
C etait il y a quelques années en arrière avec ton grand père Gérard nous avions acheté nos photos sur une assiette