Plaine de Bagan, pleine de pagodes… La Birmanie (4)

Aujourd’hui me voilà dans le joyau de la Birmanie, au bord de la rivière Irrawaddy, au milieu du site qui abrita dès le IXe siècle la première capitale de la Birmanie unifiée.
La Birmanie, déjà dans les temps anciens, a été le lieu d’affrontement de plusieurs peuples, les Pyus, un peuple tibéto-birman qui a introduit le bouddhisme, les Môns qui étaient déjà installés, les Chans en provenance de l’actuelle Thaïlande. Mais au IXe siècle, le roi Anawrahta, à la suite de quelques guerres et soumission de peuplades, parvient à former le premier royaume Birman avec Bagan pour capitale, c’est le début de l’apogée birmane mais aussi de la propagation du bouddhisme dans la région, alors que pendant ce temps là, dans le royaume d’Angkor, c’était l’hindouisme qui prédominait. Un vaste programme de construction de temples a ainsi été entrepris et me voilà maintenant en train d’arpenter la plaine de Bagan, pleine de pagodes et de stupas stupéfiantes.
Le Dhammayangyi en forme de pyramide
Un inventaire indique la présence de 2834 monuments sur le site, construit pour la plupart entre les Xe et XIIIe siècles. L’architecture de ces édifices présentent différent styles, soumise à différentes influences, tibétain, môn, khmer, indien, sri lankais et chinois. Certains sont des ruines, d’autres ont été rénovés, il y en a des petits et des grands, certains ont une forme de poire, d’autres en ananas, un peu comme la maison de Bob l’éponge. Il y a des stupas, autour desquels je peux tourner, puis les temples « grottes » dans lesquels je peux parfois pénétrer, et enfin les « temples-montagnes » particulièrement imposant.
Epoustouflant, superbe, grandiose, merveilleux, voilà comment résumer mes sensations lors de ma visite. Je suis resté trois jours à parcourir la plaine de Bagan, en vélo, en partant avant l’aube, pédalant sur les chemins sablonneux éclairés grâce à ma lampe frontale, en affrontant la chaleur torride de l’après midi, et en rentrant à la noirceur après le coucher du soleil.
Toute la journée je pédalais comme un dératé dans la brousse. Le site est immense. Aussi, si certains temples sont envahis de touristes et de pèlerins, j’étais tout seul à explorer d’autres temples un peu perdu dans la savane et je me prenais vraiment pour Indiana Jones.
Le plus souvent, les temples sont en briques ocres, un peu comme à Toulouse. L’aspect extérieur est plus sobre que celui des temples d’Angkor au Cambodge, il n’y a pas tous ces petits personnages sculptés qui donnaient vie et finesse à Angkor. D’autres temples sont recouverts d’un induit à la chaux, le stuc. Souvent, c’est l’encadrement des portes ou des fenêtres qui est décoré, il y a des espèces de motifs floraux, des animaux ou des genres de dragons.
Parfois, je peux pénétrer et explorer l’intérieur. Quelquefois, je me retrouve face-à-face avec un imposant bouddha qui m’observe d’un visage impassible ou bienveillant. Je continue d’explorer l’édifice dans le noir et me voilà nez-à-nez avec un autre bouddha. En tout, il y a quatre bouddhas en train de contempler les quatre directions de l’espace. D’autres fois, il y a des peintures anciennes qui doivent retracer des scènes de la vie du bouddha ou de ses vies antérieures, ce sont les Jātakas. Elles sont dans l’obscurité, à l’abri, mais je peux distinguer les couleurs.
J’en ai visité des dizaines, toujours excité en me demandant quels trésors je pourrai découvrir à l’intérieur. D’autre fois encore, à l’intérieur du vieux temple, c’est un bouddha flambant neuf qui me regarde de son visage paisible.
Quelques détails et bouddha au passage

Entre les pagodes, il y a des paysans et de ci de-là, des champs sont labourés grâce à une herse tirée par des buffles, tandis que des bergers surveillent un troupeau de vaches ou de moutons. Je continue de pédaler au milieu de ces scènes champêtres jusqu’à ce que le vélo s'embourbe dans le chemin sablonneux. Je dois descendre du vélo, le pousser un moment et je repars de plus belle. Vous savez, en chinois, vélo c’est zìxíngchē 自行车 (seul/se déplacer/véhicule), en quelque sorte c’est le véhicule qu’on déplace par soi-même, donc ça tombe bien.
En continuant à pédaler dans cette forêt de pierre et de savane, c’est un sentiment de liberté qui m’envahit. Ici le touriste n’est pas guidé, des villageois vivent sur le site et j’espère que les birmans sauront préserver dans le futur cette subtile harmonie de la vie rurale avec la magie des temples et ainsi éviter que le site de Bagan ne devienne un parc propre et aseptisé.
J’arrive à un temple un peu différent des autres, d’un blanc éblouissant au soleil. C’est le temple de l’Ananda, mais comme celui-ci a souffert d’un tremblement de terre en 1975, il a été rénové ce qui lui donne cette apparence un peu clinquante. A l’origine, il avait été édifié par le roi Kyanzittha au XIe siècle et aujourd’hui des autocars déversent des flots de touristes à ses portes : ce sont essentiellement des pèlerins birmans, en effet il y a encore des offices religieuses dans ce temple. A l’intérieur, il y a également de jolies fresques et quatre bouddhas debout gigantesques. En faisant le tour, je me suis aperçut que deux d’entre eux, il me semble, arboraient un sourire un peu moqueur, tandis que les deux autres faisaient la gueule. 
Le temple Ananda
Des peintures murales à l'intérieur de certains temples
et d'autres détails
Le temple de Manuha n’est pas le plus joli, une grosse construction rectangulaire, mais il est aussi très animé par les fidèles. Il y a des bouddhas, assis, couchés, dans des espaces restreints symbolisant leur inconfort ; mais aussi un gigantesque bol doré qui sert à recevoir les offrandes des fidèles, il me semble. Mais pour cela, ils doivent grimper sur une échelle adossée au bol et ensuite jeter leur billet à l’intérieur du bol.
La pagode Shwesandaw, également construite au XIe siècle, mais pour abriter les cheveux du bouddha, est en forme de cloche, ce n’est pas un temple dans lequel on pénètre. La pagode Shwezigon qui est vraiment plus loin, toute doré, contiendrait une dent du bouddha. Un autre temple possède également une stupa qui se fait doré au soleil, mais tout autour, il y a des panneaux en terre cuite qui raconte des histoires, là aussi, sur les vies antérieures du bouddha. Le Dhammayangyi est le plus grand temple de Bagan, il a un aspect de pyramide et date du XIIe siècle mais je suis sûr qu’il devait être un point d’attache pour un vaisseau spatiale extraterrestre.
Je suis aussi tombé sur un temple hindou au milieu de Bagan, je crois qu’il n’y en a qu’un, c’est le Nathlaung Kyaung, c’est son nom désolé, prononcez le comme vous voulez. A l’intérieur il y a des statues du dieu Vishnou, le protecteur, je peux reconnaître certains de ces attributs.
Aux alentours de certains temples, il y a des petits vendeurs, des artisans, qui vendent des souvenirs, des masques, des peintures, des petites merveilles faites à la main, par des artisans souvent talentueux. J’ai discuté un long moment avec une jeune fille qui parlait plutôt bien anglais. Elle m’interroge sur ma vie, quand je ne voyage pas, et sur la Chine. Et je suis aussi curieux de ce qu’elle fait. C’est toujours un peu délicat, car bien sûr elle n’est jamais allé beaucoup plus loin que sa région d’origine, mais elle semble bien connaître l’histoire du site.
Un soir, au moment du soleil couchant, un vacher conduisait son troupeau de vache, entre les pagodes. Dans leurs pas, les sabots des vaches soulèvent le sable et la lumière rasante du soir apporte une ambiance de far West à l’ensemble. A contre-jour, les cornes qui se dandinent devant le Soleil à l’horizon rappellent le côté sacré de l’animal, la « mère universelle » des hindous.
Lors de mes escapades dans la savane de Bagan, j’avais trouvé une porte dérobée dans un temple dans lequel on pénètre. La porte me permettait de rejoindre un escalier, dans le noir et ainsi d’accéder à une terrasse me permettant d’avoir une jolie vue sur le site.
Lever de Soleil à Bagan
Le lendemain matin, dans la noirceur, j’y suis retourné afin de contempler le lever du Soleil. Je m’installe donc sur la terrasse à l’aube, le ciel a une couleur rosée en direction de l’est. Puis le soleil apparaît progressivement, après un flamboiement de l’atmosphère, le jour se lève. Après l’aurore, le soleil monte dans le ciel en même temps que quelques montgolfières qui s’élèvent fièrement au-dessus des temples. Le sommet des pagodes scintille lui-aussi. Petit à petit, la brume matinale s’étire, joue à cache-cache avec les arbres de la savane, et finit par se dissiper. La température augmente et la lumière rasante donne de jolis tons aux briques rouges des temples.
Bagan sunrise
Le soir, je retournerai au même endroit, mais en regardant cette fois un peu plus à l’ouest, jusqu’au crépuscule. La même scène que ce matin a lieu une nouvelle fois, mais dans l’autre sens, comme si on repassait un film à l’envers. Le ciel se pare de ses plus belles couleurs, dans un dégradé de bleu à l’orange, la lumière elle-même devient dorée. « Honteux de ce qu'il a vu toute la journée, le soleil rougit le soir » dit un proverbe, tandis que j’ai lu ailleurs « le soleil couchant est un artiste de génie ».
Bagan sunset
Ce voyage a eu lieu en février 2018.

Commentaires

Beau reportage et belles photos sur un lieu magique. Nous y sommes allés il y a 32 ans et cela ne semble pas avoir beaucoup changé.

Catherine et Patrick