Le jour où j'ai marché au bord d'un grand lac au Jiangxi

Lac Poyang
Au début du mois d’octobre, c’était la fête nationale chinoise qui est l’anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine. Pour cette occasion, il y a des drapeaux rouges avec des étoiles rouges le long des rues et nous avons des jours de congés. Enfin ce sont des jours de congé piégés, parce qu’ensuite, il fallait travailler le samedi et le dimanche pour rattraper tout ça, sept jours consécutifs de travail. De plus, ces périodes de vacances nationales sont des périodes d’intenses déplacements à travers le pays et les sites touristiques sont bondés. A cette occasion, je souhaitais aller dans un endroit un peu méconnu des touristes et j’avais un besoin de campagne. Ainsi, je suis donc retourné dans le Jiangxi, que j’avais exploré un peu l’année dernière. Mais surtout, j’étais invité et c’est ce que je vais vous conter maintenant.
Le Jiangxi est une province du sud-est de la Chine, la capitale est Nanchang, mais je n’y suis jamais allé. C’est une province agricole, principalement pour les cultures de riz, mais pas que. Le climat est plutôt humide, ce qui fait que la région est très verte. La province est également riche en gisements de minerais. A l’ouest, à l’est, et dans le sud, il y a des régions montagneuses.
Pour ma part, depuis Shanghai, j’ai pris le train jusqu’à Shangrao, c’est là qu’on avait rendez-vous. 
J’avais eu dans l’idée d’aller dans la montagne Sanqing, mais finalement, c’est à Shangrao que j’ai rencontré les filles, qui revenaient justement de la montagne Sanqing. La fille avec qui j’avais rendez-vous, je l’avais rencontré cet été elle aussi, dans une auberge de jeunesse du Gansu, mais elle originaire du Jiangxi. Entre temps, nous avions gardé le contact grâce à WeChat. Je la retrouve donc à Shangrao, accompagnée de sa sœur, sa cousine et sa maman. Le lendemain, elle me propose de m’héberger chez elle pendant quelques jours, à Poyang. Nous prenons donc le bus avec toute la famille, pendant quatre heures de trajet pour rejoindre leur ville natale.
J’ai ainsi visité Poyang, petite ville provinciale de la Chine, ainsi que les faubourgs ruraux. Parfois, j’aime bien aller dans des endroits où je ne serai jamais allé par moi-même, qui a priori n’ont pas le moindre intérêt, mais qui m’intéresse justement peut être pour cela. Tout d’abord, j’étais heureux d’être hébergé dans une famille chinoise, j’ai partagé quelques moments de leur quotidien, et comme j’étais l’individu étranger, on s’est bien occupé de moi. On m’a dit que je ressemblais à Zuckerberg, je ne sais pas si c’était un compliment ou pas.
Nous avons échangé comme on a pu, mon amie ne parle pas très bien l’anglais. Elle est professeur de chinois, dans le secondaire. Cultivée, elle s’intéresse à la littérature française, admiratrice de Marguerite Duras et Simone de Beauvoir. Sa cousine, qui pouvait servir d’interprète est professeur d’anglais, dans une école plus reculée que Poyang, à la campagne. J’ai aussi eu l’impression qu’elles étaient plus proches de la nature, et pas superficielles tels certains habitants de Shanghai.
Aussi, nous avons pu marcher dans les champs et discuter des plantes et des récoltes à venir. Dans les rues, il y a une odeur sucrée, ce sont des 桂花, des osmanthus, je dis ça pour mon papa qui a peut être rencontré cette fleur dans un jardin botanique de Lyon. La fleur est d’ailleurs ici utilisée en parfumerie et en cuisine.
Comme vous savez, s’il y a vraiment quelque chose qu’on partage entre la France et la Chine, c’est l’intérêt pour la gastronomie. En Chine, la cuisine est inventive, succulente et délicieuse. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui me font rester dans ce pays.
Nous allions au marché, animé, pour acheter légumes frais et poissons, à quelques pas seulement de l’appartement. Evidemment, j’ai toujours bien mangé, la maman nous a concoctés de bons petits plats, plusieurs plats, toujours différents, que l’on partage tous ensemble autour de la table. Le plat unique des habitudes occidentales peut paraître très ennuyeux pour les chinois. Et puis en Chine, vous savez, il faut manger bruyamment, mastiquer, aspirer, pour montrer qu’on apprécie les mets. Bref, tout l’inverse de ce qu’on m’a appris à la maison quand j’étais petit.
La sœur de mon amie à une petite fille avec qui je me suis un peu amusé. Elle parle très bien le chinois, ce qui est un peu frustrant pour moi, car je pense qu’elle a débuté son apprentissage peu avant moi !
Le soir, nous avons joué au mah-jong (麻将). Ce n’était pas la première fois pour moi, mais plutôt une redécouverte. L’une de mes grands-mères m’ayant appris les règles il y a plusieurs années mais que je me suis appliqué à oublier depuis. Alors on m’a réinitié aux cercles, aux bambous et aux caractères, ainsi que le vent d’est, toutes les explications étant en chinglisg et j’ai même réussi à gagner une partie.
Nous avons passé une journée au lac Poyang 鄱阳湖 (Póyáng Hú). Enfin nous avons exploré seulement une petite partie, car il s’agit en effet du plus grand lac d’eau douce en Chine avec une surface 5 000 km2. À titre de comparaison, le lac d’Aiguebelette a une superficie de 5,45 km2, tandis que le lac Léman a une superficie de 581 km2. Le lac présente un intérêt écologique important, il est l’habitat de nombreux oiseaux migrateurs pendant l’hiver, notamment des grues, tel la Grue de Sibérie. Avec leurs pattes fines, elles ont une démarche gracieuse et élégante. La grue est souvent représenté dans les peintures chinoises. Dans les légendes, elles servaient de monture aux Immortels de la mythologie taoïste. Elle est aussi un symbole de longévité, de sagesse et d'élévation de l'esprit. Le lac doit aussi avoir une importance pour la pêche, en fin d’après midi, j’ai vu passé des pêcheurs, encore traditionnels, avec des cormorans.
Pêcheurs au lac Poyang
Le lendemain après midi, nous sommes allés dans un village pour assister à une représentation de théâtre traditionnel. C’est à quelques kilomètres de la maison, pour y aller, nous utilisons des scooters électriques. C’est très pratique, il y a même un parasol intégré pour se protéger du soleil et de la pluie. Les filles conduisent et moi je me mets à l’arrière et je peux profiter du paysage. Sur le chemin, nous croisons quelques vaches et des rizières.
Au milieu du village, il y a une grande place sur laquelle était disposée des bancs en bois. Les spectateurs étaient majoritairement des personnes âgées. Nous sommes retournés le soir pour assister à la seconde performance. Au passage, nous nous sommes fait inviter par quelqu’un de la famille, un cousin peut être, pour le repas du soir. Mais d’abord, il faut aller acheter des fruits, car dans la culture chinoise, lorsqu’on est invité, il est de coutume de ramener quelque chose, notamment des fruits. Chez le cousin, nous mangeons dans une maison ancienne, aujourd’hui inhabitable, elle sert de grange et de dépotoir, mais aussi d’abris pour manger, à mi-chemin entre extérieur et intérieur. Le cousin habite maintenant dans la maison neuve, construite juste à côté, en brique et en béton, particulièrement moche. C’est malheureusement souvent le cas dans les villages que j’ai traversé, les maisons anciennes sont laissées à l’abandon, jusqu’à ce qu’elles s’écroulent, les maisons où habitent les gens sont construites juste à côté, elles sont de mauvaises qualités et sans aucun intérêt esthétique.
Cela dit, j’ai adoré ce moment, l’hospitalité chinoise, l’ambiance du village, tellement loin de celle de Shanghai. Les gens avec leur chapeau de paille, la place qui réunit tout le village pour assister au spectacle. Les acteurs maquillés, en costume, avec des manches beaucoup trop longues, les hommes avec une barbe postiche, ils jouent leurs rôles en chantant, et en musique, avec des percussions qui scandent le suspens. Pour être honnête, je n’ai rien compris à l’histoire et le chant est particulier. On m’a un peu expliqué qu’il s’agissait d’une histoire pendant une dynastie, je ne sais plus laquelle. Mais peu importe, l’exotisme m’a enchanté.
Nous rentrons grâce aux scooters, pendant la nuit. La batterie du scooter étant sur la fin, c’est à 5 km à l’heure, les cheveux au vent, que nous empruntons le trajet jusqu’à la maison. A fond les manettes, les filles chantent les airs traditionnels et folkloriques entendues pendant la représentation. Et j’ai finalement dû terminer le trajet à pied, soi-disant parce que j’étais trop lourd pour le pauvre deux roues électriques qui rendait l’âme.

Commentaires

mamie a dit…
je te lèguerai mon jeu de mahjong quand tu rentreras mais avant nous pourrons faire une partie j'adore ce jeu plein de souvenirs
Le voyageur hypothetique a dit…
Tu n'es peut etre pas l'homme le plus riche comme M Zuckerberg avec ses 44,6 milliards de dollars, mais la richesse de tes récits compense bien ce "léger" déficit.