Coron-finé à la maison

Source : Internet
Depuis plus d’un mois, la Chine est au centre de l’actualité, avec Wuhan devenue l’épicentre de propagation d’un nouveau virus appelé le Covid-19. L’épidémie de coronavirus est en effet un immense défis pour la Chine, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique mais aussi pour le pouvoir central chinois.

Le virus et le reste

Après la mauvaise réaction du régime autoritaire au début de l’épidémie, en tentant de dissimuler l’arrivée du virus, la censure et l’absence de transparence, empêchant la circulation de l’information a probablement aggravé la situation de l’épidémie. Mais il faut bien reconnaître que la Chine a pris aujourd’hui des mesures draconiennes pour tenter de contrôler l’expansion du coronavirus. La crédibilité et la légitimité de la Chine, tant sur le plan interne que sur le plan international, est en jeu.
D’un côté, la crise révèle les failles du système de santé nationale chinois, mais d’autre part, elle met en évidence l’incroyable efficacité et progrès scientifique de la Chine. Le virus a en effet été identifié très rapidement, son génome entièrement séquencé par des laboratoires chinois, les tests de dépistage ont également été mis au point très rapidement. Drôle de coïncidence, l’institut de virologie de Wuhan héberge peut être les meilleurs chercheurs sur les virus du pays, les collaborations avec l’Institut Pasteur de Shanghai sont nombreuses. Wuhan héberge aussi le seul laboratoire de confinement biologique de niveau 4 du pays (BSL-4 biosafety level 4).
Comme je le disais, après le retard à l’allumage, le gouvernement chinois est très actif et le Parti met en scène sa mobilisation. Les différents ministères, centraux et locaux tentent de répondre au mieux afin de circonscrire la crise sanitaire. La construction en 10 jours d’un hôpital à Wuhan répondait à la fois à des objectifs de propagande mais aussi à un réel besoin sur le plan sanitaire.
Je suis allé à Wuhan en 2016, pour assister à une réunion scientifique organisée par l’ambassade de France. Il y avait une belle brume de pollution lorsque j’y étais.
Wuhan est une ville industrielle, dans le Hubei, au centre de la Chine, au confluent des fleuves Yangzi et Han. La ville compte 9 millions d’habitants, 11 millions avec la banlieue. Wuhan est important, sur le plan symbolique, dans l’histoire moderne de la Chine : la révolution nationaliste y démarre en 1911.
Du fait de son emplacement, à l’intersection des grands fleuves et des voies de communication, Wuhan est le poumon économique du centre de la Chine. Wuhan est également une plaque tournante de l’industrie automobile du pays. C’est bien sûr la ville de Dongfeng, une des principales compagnies automobiles chinoises, mais les entreprises française PSA et Renault y possèdent aussi des usines.
Wuhan lors de ma visite en 2016
Depuis le 22 janvier, Wuhan est coupé du monde, les autorités chinoises interdisent tout trafic aérien, ferroviaire, routier et fluvial à destination et en provenance de la ville, ainsi que pour d’autres villes du Hubei.
La logistique à Wuhan est sous l’autorité de l’armée populaire de libération qui est en charge d’approvisionner et d’acheminer les éléments de protection, le matériel médical et la nourriture dans la ville.
La mise en quarantaine d’une si grande partie de la population n’a jamais été effectuée, à cette échelle là, dans l’histoire de l’humanité. Il semble qu’il faille un régime autoritaire tel que le système politique chinois pour être capable d’une telle prouesse. L’instauration de la quarantaine a conduit des dizaines de millions de personnes à ne plus pouvoir se déplacer librement. Ici, prendre des mesures autoritaires permettrait de juguler une menace pour la santé publique. Pour le bien être global, on étouffe des libertés individuelles, ce qui entraîne bien sûr des interrogations éthiques.

Le nouvel an chinois

Je vous explique maintenant notre situation en Chine depuis le début des mises en quarantaine. Les vacances pour le nouvel an chinois débutaient le 24 janvier, et nous sommes partis ce jour là pour Changchun puis Jilin. Nous avons pris l’avion, puis le train jusqu’à Shulan, le bas du visage recouvert d’un masque chirurgical. Nous n’avons eu aucun problème pour traverser la Chine à ce moment là.
Nous sommes restés une semaine à Shulan. Vous savez, cette ville dans le nord de la Chine où il fait froid. Nous avons festoyés en famille, autour de bons repas, et nous sommes entrés dans l’année du rat, symbole d'intelligence et de débrouillardise.
Ce n’était pas encore la psychose, nous avons confectionné des jiaozi, nous avons ripaillé tous ensemble, piochant chacun toutes sortes de délices dans les mêmes plats, à l’aide de nos baguettes ; même si celui qui était pris à éternuer était regardé d’un drôle d’air.
Par précaution, nous sommes toutefois restés à la maison, nous avons annulé un voyage pour aller voir le festival de sculpture de glace à Harbin et nous ne sommes jamais allés au restaurant.
Nous sommes allés dans la forêt pour faire des petites marches, nous avons profité des joies de l’hiver en faisant de la luge. Loin de la population, nous étions seul ; la température de -25°C nous piquait les joues mais nous rassurait sur le fait que le virus ne pouvait pas résister à ces conditions extrêmes.
Les joies de l'hiver dans le nord de la Chine
Pendant ce temps là, nous suivions les informations, le nombre de personnes infectées augmentaient de jour en jour, puis les premiers morts ont été annoncés. Les mesures de protection sont devenues plus drastiques. Toutes les festivités pour le nouvel an ont été annulées.
J’ai observé que des routes d’accès à des villages, autour de Shulan, étaient fermées par des monticules de neige ou par une corde attachée entre deux arbres. Des caractères écrits à la main sur du papier indiquaient qu’il est interdit de passer, les étrangers aux villages ne sont pas les bienvenues.
Les congés du nouvel an ont été prolongés, la rentrée scolaire a été reculée. J’avais peur que les conditions de circulation à l’intérieur de la Chine deviennent de plus en plus difficiles, j’ai donc choisi de retourner à Shenzhen, avec Little Miss Tiny ; rentrer à la maison pour éviter d’être bloqué à Shulan où on commençait à s’ennuyer.

Notre situation à Shenzhen

L’aéroport était relativement calme. Drôle d’ambiance, comme si chacun se méfiait de tout le monde. Nous avons voyagé en portant masques et gants, et certains passagers s’étaient confectionnés un casque artisanal, en plastique, pour se protéger d’une éventuelle contamination par le virus.
Lorsque nous sommes arrivés à Shenzhen, l’ambiance était déjà bien différente de celle de notre départ une semaine plus tôt. Le port du masque est obligatoire. Nous avons pris le taxi, entre l’aéroport et notre appartement, et nous avons du passer plusieurs points de contrôle où l’on nous prenait la température. Moi, ça me donnait un peu l’impression d’être mis en joue avec un pistolet.
Avant d’entrer dans notre immeuble, nous avons eu un interrogatoire nous demandant d’où l’on venait, quel avait été notre parcourt. Après une vérification ultime de notre température, nous donnons notre numéro de téléphone et notre numéro d’identité au gardien de l’immeuble, puis nous avons l’autorisation de rentrer dans notre appartement.
Une odeur d’eau de Javel émane des ascenseurs qui sont désinfectés, il y a des lingettes dans l’ascenseur pour appuyer sur les boutons de commande de l’étage, eux-mêmes recouvert d’un plastique transparent, afin d’éviter d’être contaminé.
Différents moyens de protection : photos provenant des réseaux sociaux
Le lendemain, nous sommes allés au supermarché pour faire des provisions. Il n’y a pas vraiment de boîte de conserve en Chine, habituellement, les gens cuisinent par eux-mêmes, ou bien ils commandent des plats sur internet pour se faire livrer à la maison. Il n’y a pas de pénurie, on trouve tout le nécessaire, à l’exception des masques et des produits désinfectants qui deviennent des produits de luxe. Nous avons fait un bon stock de riz, pâtes et pomme de terre, et nous allons régulièrement acheter des légumes au marché. 
Nous sommes confinés à la maison, ainsi, nous cuisinons beaucoup. Little Miss Tiny ne veut pas commander de plat sur Internet car elle a peur de se faire contaminer. Ainsi, je peux informer ma maman que nous mangeons tous les jours équilibré, sain, varié, frais et délicieux.
Il n’y a pas de panique générale, pour le moment, en Chine. Dans la rue, c’est plutôt calme, mais nous restons prudent, nous évitons les lieux où il y a beaucoup de monde, mais en fait, en dehors des supermarchés, il n’y en pas.
Les rues sont presque désertes, les cinémas sont fermés, tous les magasins sont fermés, à l’exception des échoppes qui vendent de la nourriture. Les clients ne s’éternisent guère.
Il y a tout de même un climat de méfiance, les gens se méfient de leur voisin, l’autre peut être un danger. Les résidences sont fermées aux étrangers. Il y a eu des incitations à surveiller ou dénoncer son voisin s’il est malade. Lorsque nous sortons dehors, des vigiles vérifient que tout le monde porte un masque, on se fait prendre la température avant d’entrer dans tous les magasins. Des hauts parleurs nous conseil de porter des masques à l’extérieur, de ne pas se rassembler et de rester autant que possible à la maison.
Un réseau de surveillance étroit est mis en place par la police. Little Miss Tiny a été appelé sur son téléphone, pour savoir quel numéro de vol et de train nous avions pris pour rentrer à la maison.
Le réseau de transport en commun n’est pas arrêté à Shenzhen, mais il y a beaucoup moins de bus, et ceux qui passent sont quasiment vide.
Nous travaillons à la maison, j’analyse les données et les figures des expériences que j’ai faites au laboratoire avant les vacances, je lis les derniers articles scientifiques sur le coronavirus. Little Miss Tiny en fait de même, elle communique avec les clients de sa société grâce à Internet et fait son travail de traduction du japonais.
L’impact sur l’économie dépendra de la durée de la crise sanitaire et de la capacité du gouvernement chinois à y répondre. Il y a sans doute beaucoup de gens qui vont être vraiment impactés, des restaurants qui ont ouvert juste avant l’épidémie par exemple, des auto-entrepreneurs qui n’ont aucune assurance, les ouvriers dont les usines restent fermées, des entreprises qui risquent de faire faillite.
De notre côté, pour le moment, nous sommes confinés à la maison, mais tout va bien.

Commentaires

mamounette a dit…
Merci pour toutes ces nouvelles plus ou moins rassurantes, mais au moins je sais que vous allez bien et c'est ce qui m'importe. Bisous à vous 2.
Abigail a dit…
Merci pour le update, je pense a vous depuis le debut.
tribu du sud a dit…
Coucou,
Vu l'actualité, nous pensons souvent à vous et nous espérons que des solutions vont être vite trouvées afin d'améliorer votre situation et celle de la planète...
Merci de nous donner de vos nouvelles. Bon courage et bisous à tous les deux. La tribu du sud
Anonyme a dit…
on s'inquiète quand même un petit peu courage mes chéris bisous de grand maman